L’application de la méthode de la capitalisation pour l’indemnisation du dommage moral permanent (aujourd’hui « incapacité personnelle permanente » – voyez la nouvelle version du Tableau Indicatif et sa nouvelle arborescence) fait l’objet d’un débat qui a déjà fait couler beaucoup d’encre.
Si la possibilité de recourir à la capitalisation en cas d’atteinte à la capacité économique de plus de 15 % n’est pas contestée, il en va autrement lorsqu’il s’agit d’indemniser les préjudices moral et ménager, pour lesquels des données précises peuvent plus difficilement être apportées par la victime qui réclame l’indemnisation de son préjudice.
Le débat est loin d’être dénué d’intérêt tant pour les victimes que pour ceux qui procèdent à leur indemnisation, dès lors que l’écart entre les montants calculés de manière forfaitaire et ceux calculés sur la base de la méthode de la capitalisation peut être considérable.
Le 15 septembre 2010, la Cour de cassation estimait : « En considérant que la capitalisation sur une base journalière forfaitaire est prohibée, les juges d’appel ont violé les articles 1382 et 1383 du code civil ».
Un second arrêt rendu par la Cour de cassation le 17 février 2012 a précisé : « En considérant que « cette méthode ne se justifie pas lorsque […] la base est elle-même évaluée » en équité et « est susceptible de varier dans le temps, compte tenu de l’effet d’accoutumance et de la nécessaire adaptation de la victime à ses souffrances et à ses conséquences quand celles-ci se stabilisent au fil du temps », le jugement attaqué, qui n’indique pas les circonstances propres à la cause qui justifient la variation dans le temps de la base forfaitaire, méconnaît l’obligation d’apprécier le dommage in concreto ».
La Cour de cassation est donc favorable au recours à la capitalisation, quand bien même la base de calcul serait forfaitaire. La nouvelle version du tableau indicatif fait d’ailleurs écho à la position de la Cour en prévoyant expressément la possibilité de capitaliser l’incapacité personnelle permanente.
La Cour ne consacre toutefois pas le recours systématique à la méthode de la capitalisation et ne prohibe pas la possibilité de recourir à une indemnisation forfaitaire, à condition que le juge indique les motifs pour lesquels il ne peut admettre le mode de calcul proposé par la victime et qu’il constate l’impossibilité de déterminer autrement le dommage.
En ce qui concerne les motifs permettant au juge d’écarter la méthode de la capitalisation, s’il n’est peut-être pas propre à une seule cause, le facteur d’accoutumance à la souffrance n’en constitue pas moins une réalité qui devrait pouvoir entrer en ligne de compte dans l’appréciation concrète du dommage.
Pour l’évaluation de l’incapacité ménagère permanente, il devrait être pris en compte que la composition familiale d’une personne à 20 ans ne sera pas la même à 60 ans. De même, pour l’incapacité personnelle, les répercussions des séquelles sur la vie de tous les jours ne seront pas les mêmes à 20 ans qu’à 60 ans.
Comment, dans ces circonstances, considérer que le dommage moral/l’incapacité personnelle est un dommage constant ?
La Cour de cassation a, semble-t-il, néanmoins, dans une certaine mesure, décidé de limiter le juge dans son pouvoir d’appréciation en l’empêchant de prendre en compte cet élément pour écarter la capitalisation du dommage, à moins qu’il puisse le rattacher à des éléments concrets de la cause.
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Les compagnies d’assurance devront veiller à ce que la contestation de l’application de la méthode de capitalisation soit moins globale et se rattache davantage à des éléments concrets du dossier. Une autre piste pourrait être de veiller à solliciter qu’il soit précisé dans la mission de l’expert médecin qu’il prenne par exemple en considération le facteur d’accoutumance. Cette dernière solution nous paraît cependant davantage incertaine et ne permettrait, le cas échéant, que d’influer sur le taux d’incapacité.”