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#BeLex : Règlement transactionnel de 500.000 € pour infractions à la directive MiFID : quels enseignements pour le secteur des assurances ?

Début juin 2022, la FSMA a annoncé avoir conclu un règlement transactionnel avec AXA BANK BELGIUM prévoyant le paiement d’un montant de 500 000 € et une publication nominative sur le site web, à la suite du non-respect de certaines règles de conduite MiFID et de règles organisationnelles y afférentes concernant l’adéquation et le caractère approprié des services fournis (devoir de diligence).

Même s’il concerne MiFID, ce règlement transactionnel est également intéressant pour les acteurs du secteur des assurances, vu les similarités entre MiFID et IDD en ce qui concerne le devoir de diligence.

Depuis lors, le FSMA a également publié trois rapports sectoriels en lien avec MiFID (caractère approprié, adéquation et gouvernance produits), qui exposent le point de vue de la FSMA dans ces domaines.

Les obligations MiFID

AXA BANK BELGIUM (ci-après « AXA ») est un établissement de crédit de droit belge qui, à l’époque des faits (principalement 2016), fournissait des services d’investissement, y compris des conseils en investissement, notamment à des investisseurs non professionnels. Plus précisément, AXA a fourni des conseils en investissement dans 3 catégories de produits d’investissement : Principalement des titres d’organismes de placement collectif (« OPC ») ainsi que des obligations structurées, et des parts de fonds d’épargne retraite.

Dans ce contexte, AXA était tenue de respecter la Directive 2004/39/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 avril 2004 concernant les marchés d’instruments financiers (ci-après MiFID (Markets in Financial Instruments Directive)1 en vigueur à l’époque, avec notamment les obligations suivantes :

  • D’obtenir les informations nécessaires sur2:
    1.  les objectifs d’investissement ;
    2. la situation financière ;
    3. les connaissances et l’expérience des clients en matière d’investissement.
  • D’évaluer, sur base des informations reçues, le caractère approprié des transactions recommandées, c’est-à-dire que les transactions doivent3:
    1. répondre aux objectifs d’investissement du client ;
    2. être d’une nature telle que le client est en mesure de supporter financièrement les risques d’investissement ;
    3. être d’une nature telle que le client dispose des connaissances et de l’expérience nécessaires pour comprendre les risques liés aux transactions.
  • De ne pas se fier à des informations dont la société sait ou devrait savoir qu’elles ne sont manifestement plus d’actualité, inexactes ou incomplètes4;
  • De mettre en place, de manière permanente, des dispositions appropriées afin de garantir une gestion efficace et prudente de l’activité, y compris la mise en place de politiques et de procédures de contrôle interne appropriées pour garantir le respect des exigences légales relatives aux services d’investissement5 ;
  • Conserver pendant au moins 5 ans les informations pertinentes sur les évaluations d’aptitude effectuées pour le compte des clients6 ;
  • Développer une politique et des mesures organisationnelles pour vérifier que les produits que l’entreprise fabrique, approuve et/ou commercialise sont dans le meilleur intérêt de ses clients7.

Les manquements constatés

L’instruction menée par la FSMA a notamment révélé que :

  • Dans le questionnaire MiFID employé par AXA :
    • Le test visant à déterminer le niveau de connaissance des clients sur les différentes catégories de produits d’investissement, n’évoquait pas les notions suivantes :
      • le risque de capital, le risque de fluctuation des cours et le risque de taux d’intérêt en investissant dans des OPC ;
      • le risque d’insolvabilité, le risque de capital et le risque de fluctuation des prix en investissant dans des notes structurées ;
      • le risque de capital et le risque de taux d’intérêt dans l’investissement dans les fonds d’épargne-pension.
    • Le test visant à déterminer le niveau de connaissance des clients investissant dans des OPC, ne faisait aucune distinction entre les OPC d’obligations, d’actions et mixtes ;
    • La question visant à déterminer le niveau d’expérience des clients avec les différentes catégories de produits d’investissement, ne faisait aucune distinction selon le sens des transactions (achat/vente) ;
    • La question visant à déterminer le niveau d’expérience des clients avec les différentes catégories de produits d’investissement ne faisait aucune distinction entre les OPC d’obligations, d’actions et mixtes, ni entre les OPC structurées et les obligations structurées.
  • Selon AXA, les clients ont de l’expérience dans une catégorie de produits d’investissement dès lors qu’ils ont effectué une transaction de 1€ ou plus dans cette catégorie de produits dans les cinq dernières années, ou alors, selon la catégorie de produits, qu’ils se considèrent comme au moins moyennement intéressés par l’actualité financière relative à l’investissement ou comme un expert dans le domaine de l’économie et de la finance ;
  • La méthode utilisée par AXA pour évaluer le caractère approprié des transactions recommandées ne comprenait pas de test basé sur les réponses individuelles des clients aux questions posées dans le questionnaire MiFID sous rubrique « profil financier » et « objectif d’investissement et perception du risque » ;
  • Le système informatique d’AXA n’a pas détecté certaines incohérences dans les réponses des clients dans les questionnaires MiFID (dont le test de connaissances) ;
  • Les contrôles internes d’AXA n’ont détecté aucun changement dans le profil des clients alors même qu’AXA avait opéré des changements pour +/- 80 clients. Le système a techniquement permis à des clients de modifier leur profil et accéder à des produits d’investissement ne leur convenant pas ;
  • AXA n’a pas été en mesure de fournir environ 35% des documents demandés par la FSMA concernant la transmission de questionnaires MiFID et d’autres documents ;
  • Dans le cadre du développement, de l’approbation et la commercialisation d’un produit, le public cible n’avait pas été clairement défini et les commentaires du département Compliance n’ont pas toujours été pris en compte ;
  • La documentation de certains produits d’investissement n’a pas été revue et/ou mise à jour périodiquement.

Ainsi, suite à son instruction, la FSMA a estimé que des lacunes existaient :

  • Dans la collecte des informations relatives à la connaissance dans le chef des clients, la FSMA estimant qu’AXA n’avait donc pas suffisamment évalué la compréhension qu’avaient ses clients du risque, du rendement, et de la relation entre deux types d’OPC ;
  • Dans la détermination du niveau d’expérience des clients ;
  • Dans l’évaluation de l’adéquation au niveau de la transaction en ne prenant pas en compte les informations sur la situation financière et les objectifs d’investissement des clients ou leurs connaissances et leur expérience dans le domaine de l’investissement ;
  • En matière de contrôle des informations recueillies auprès des clients concernant leur situation financières, leurs objectifs d’investissement et leurs connaissances et expérience, outre le fait de ne pas détecter des incohérences dans leurs réponses et de ne pas détecter des changements de profils douteux ;
  • Dans la conservation des données relatives au test d’adéquation, menant à une incapacité de livrer un nombre important d’informations à la FSMA (questionnaires MiFID, documents d’ordres) ;
  • Dès lors que la gouvernance des produits avait été compromise en l’absence de protection adéquate des intérêts des clients dans la fabrication, l’approbation et la commercialisation de produits d’investissement.

Sur cette base, l’instruction de la FSMA a débouché sur un règlement transactionnel dès lors qu’AXA a collaboré à l’instruction. Ce règlement prévoit le paiement d’une amende de 500.000 € et une publication nominative sur le site web de la FSMA.

Aussi pour le secteur des assurances

Ces enseignements peuvent indéniablement être transposés en matière d’assurance et, plus particulièrement en matière de produits d’investissement fondés sur l’assurance (« IBIP »).

Rappelons que de manière générale, le distributeur de produits d’assurances (intermédiaire(s) ou entreprise(s) d’assurances), doit s’enquérir des exigences et besoins du futur preneur d’assurance (article20 de la Directive (UE) 2016/97 du Parlement européen et du Conseil du 20 janvier 2016 sur la distribution d’assurances, ci-après « IDD »).

En outre, en matière d’IBIPs, l’article 30 d’IDD prévoit pour tous les cas où le distributeur donne un conseil, qu’il doit se procurer en outre « les informations nécessaires sur les connaissances et l’expérience du client ou du client potentiel dans le domaine d’investissement dont relève le type spécifique de produit ou de service, la situation financière de cette personne, y compris sa capacité à subir des pertes, et ses objectifs d’investissement, y compris sa tolérance au risque, pour être ainsi en mesure de recommander au client ou au client potentiel les produits d’investissement fondés sur l’assurance adéquats et, en particulier, ceux qui sont adaptés à sa tolérance au risque et à sa capacité à subir des pertes ».

Dans ce contexte, la majorité des distributeurs utilisent des formulaires avec des questions-type, visent à recueillir les informations des futurs preneurs et, souvent à l’aide d’un système de points, d’évaluer leur profil.

Le règlement transactionnel analyse ci-avant, montre à quel point il est important que :

  • les questions posées soient suffisamment détaillées afin de permettre une réelle granularité dans les réponses et en dégager une image fidèle quant au profil d’investisseur du client ;
  • les systèmes d’évaluation des questionnaires (manuels ou automatisés) doivent permettre de mettre en évidence les incohérences éventuelles dans les réponses des clients (et donc bloquer le processus tant que ces incohérences n’ont pas été clarifiées) ;
  • le produit d’assurance qui sera conseillé au client au terme du processus, corresponde quant à ses caractéristiques (telles que définies et communiquées par l’assureur dans le cadre du processus POG) au profil du client qui aura été déterminé (notamment en termes de marché cible) ;
  • une mise à jour soit ensuite effectuée régulièrement ;
  • et que les documents et informations soient bien conservées dans le dossier client.
  1. Cette législation européenne a été transposée en droit belge par l’arrêté royal du 27 avril 2007 transposant la directive européenne sur les marchés d’instruments financiers (modifiant, entre autres, la loi du 2 août 2002) et par l’arrêté royal du 3 juin 2007 fixant les modalités de transposition de la directive sur les marchés d’instruments financiers.
  2. A l’époque, art. 27, § 4 de la Loi du 2 août 2002 et art. 15 et 17 de l’Arrêté royal du 3 juin 2007.
  3. Article 27, § 4 de la loi du 2 août 2002 et l’article 15, § 1 de l’arrêté royal du 3 juin 2007.
  4. Art. 17, § 4 de l’arrêté royal du 3 juin 2007.
  5. Loi du 25 avril 2014 relative au statut juridique et à la surveillance des établissements de crédit [et des sociétés cotées], art. 21, § 1 et 41, § 1, et art. 4 et 7 Règlement FSMA du 5 juin 2007 relatif aux exigences organisationnelles applicables aux établissements fournissant des services d’investissement.
  6. Art. 27, § 7 Loi du 2 août 2002 et art. 23-24 Règlement FSMA du 5 juin 2007 sur les exigences organisationnelles pour les institutions fournissant des services d’investissement.
  7. Art. 41, § 1 et 42, § 1 Loi du 25 avril 2014 relative au statut et à la surveillance des établissements de crédit [et des sociétés cotées] ; art. 27, § 1 Loi du 2 août 2002 ; art. 79-81 Arrêté royal du 3 juin 2007 et art. 4 et 7 Règlement FSMA du 5 juin 2007 relatif aux exigences organisationnelles des établissements fournissant des services d’investissement.