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Réinsertion des malades de longue durée : le législateur dit stop à la discrimination à l’embauche sur la base de l’historique de santé d’une personne

La loi du 10 mai 2007 tendant à lutter contre certaines formes de discrimination prévoit qu’il est interdit d’opérer une discrimination sur la base de « l’état de santé actuel ou futur ». Le 27 octobre 2022, une modification de cette loi est entrée en vigueur. Celle-ci est venue élargir le critère pris en compte afin d’accroitre le niveau de protection en matière de discrimination. Dorénavant, la notion « d’état de santé présent ou futur » est remplacée par celle « d’état de santé », de sorte qu’un état de santé passé est également protégé par la loi anti-discrimination.

Elargissement du critère protégé de « l’état de santé »

La loi anti-discrimination du 10 mai 2007 stipulait certes auparavant que l’employeur ne pouvait pas tenir compte de l’état de santé du candidat. Il était cependant précisé qu’il s’agissait de l’état de santé « actuel ou futur ». Cette disposition était déjà contraire à la CCT n° 38 du 6 décembre 1983 concernant le recrutement et la sélection de travailleurs et à la CCT n° 95 du 10 octobre 2008 concernant l’égalité de traitement durant toutes les phases de la relation de travail, qui stipulent expressément qu’une personne ne peut pas être discriminée sur la base de son état de santé antérieur. Toutefois, contrairement à la loi anti-discrimination, ces conventions collectives ne prévoient pas d’indemnisation pour la victime de la discrimination.

En ce qui concerne les maladies passées, il n’existait jusqu’à aujourd’hui une protection légale que pour les maladies chroniques ayant des conséquences permanentes et pouvant être considérées comme des handicaps.

Quoi qu’il en soit, dorénavant, le législateur fédéral lève toute ambiguïté et élargit le critère de l’« état de santé » dans la législation en supprimant les termes « actuel ou futur ». L’état de santé d’un travailleur ne peut dès lors jamais constituer un motif de discrimination, ni dans le présent, ni dans le futur, ni dans le passé. En élargissant la portée du critère de l’« état de santé » dans la loi anti-discrimination, le législateur veille à ce que les travailleurs soient toujours protégés contre toute discrimination fondée sur l’état de santé.

Volonté gouvernementale de renforcement du cadre anti-discrimination

Cette modification de la loi s’inscrit également dans le cadre de l’engagement du gouvernement fédéral à améliorer la réintégration des malades de longue durée sur le marché du travail. En effet, la suppression de la discrimination fondée sur l’état de santé peut contribuer à ramener progressivement au travail des personnes qui ont été malades dans le passé.

La loi anti-discrimination vise de surcroit à créer un cadre général pour lutter contre la discrimination, que celle-ci soit fondée sur l’âge, l’orientation sexuelle, l’état civil, la naissance, la fortune, la conviction religieuse ou philosophique, la conviction politique, la conviction syndicale, la langue, l’état de santé, un handicap, une caractéristique physique ou génétique ou l’origine sociale, et ce, dans toutes les matières (à l’exception de celles relevant de la compétence des communautés ou des régions), tant dans le secteur public que dans le secteur privé (en ce compris les organismes publics) et pour toutes les personnes. Cela concerne, inter alia, l’accès aux biens et services et la fourniture de biens et services à la disposition du public, la protection sociale (en ce compris la sécurité sociale et les soins de santé), les avantages sociaux, les régimes complémentaires de sécurité sociale, les relations de travail, la mention dans une pièce officielle ou dans un procès-verbal, l’affiliation à une organisation de travailleurs ou d’employeurs, l’accès, la participation et tout autre exercice d’une activité économique, sociale, culturelle ou politique accessible au public.

On comprends donc que l’élargissement du critère de l’état de santé ne s’applique pas uniquement en ce qui concerne l’accès aux relations de travail, mais également pour toutes les matières précitées. Cette nouvelle fait également suite aux efforts déployés par le gouvernement afin d’atteindre un marché du travail plus inclusif. L’arrêté royal du 11 septembre 2022 (ayant pris effet le 1er octobre 2022) modifie le Code du bien-être au travail en ce qui concerne le processus de réintégration des travailleurs en incapacité de travail, dans ce sens, afin d’assurer une bonne application de l’obligation d’aménagement raisonnable pouvant conduire à une augmentation de la reprise du travail.

Pas de changement en matière de charge de la preuve

Il est utile de rappeler ici qu’une distinction fondée sur l’état de santé n’est pas interdite dans toutes les circonstances. Tant que l’employeur peut justifier la différence de traitement sur la base d’un objectif légitime et que les moyens de réaliser cet objectif sont nécessaires, il n’est pas question de discrimination.

Dans l’hypothèse où un(e) candidat(e) se prétend victime de discrimination, rappelons que l’article 28 de la loi du 10 mai 2007 précise toujours que la charge de la preuve réside dans le chef dudit (de ladite) candidat(e).

En effet, à titre d’illustration, la Cour du travail de Bruxelles, dans un arrêt du 8 janvier 2020, est essentiellement saisie de la question de la discrimination sur la base de l’état de santé. Elle insiste alors sur la question de la preuve, soulignant le devoir pour la personne qui s’estime victime d’une discrimination d’apporter les éléments requis. La Cour cite notamment un arrêt de la Cour constitutionnelle (C. const. 12 février 2009, n° 17/2009), dans lequel cette dernière rappel le mécanisme de la charge de la preuve : celle-ci incombe en premier lieu à la victime, qui doit présenter des faits suffisamment graves et pertinents. Il ne suffit pas qu’elle prouve qu’elle a fait l’objet d’un traitement défavorable. Elle doit également prouver des faits qui semblent indiquer que ce traitement a été dicté par des motifs illicites.

Point d’action

A la suite de cette modification de la loi anti-discrimination, il sera désormais interdit de discriminer, non seulement sur la base de l’état de santé actuel et futur du travailleur, mais également sur la base du passé médical. L’employeur qui ne peut justifier une distinction fondée sur l’état de santé risque de devoir verser une indemnité égale à six mois de rémunération à la victime de la discrimination. La charge de la preuve incombe cependant toujours à la prétendue victime de cette discrimination.

 

SOURCES :

• 20 JUILLET 2022. – Loi modifiant la loi du 10 mai 2007 tendant à lutter contre certaines formes de discrimination en ce qui concerne le motif de discrimination fondé sur l’état de santé, p. 73506.

• https://www.unia.be/fr/articles/bonne-nouvelle-pour-le-retour-au-travail-des-malades-de-longue-duree

• https://jura.kluwer.be/secure/documentview.aspx?id=kl2689398&scrollid=kl2689398&NavSearchId=16315542&state=changed

• https://www.unia.be/fr/legislation-et-recommandations/recommandations-dunia/vers-un-parcours-de-reintegration-au-travail-adapte-2022