Le Moniteur Belge du 30 avril 2014 a publié la loi du 4 avril 2014 « relative aux assurances ».
L’objectif de la loi est essentiellement de clarifier et de regrouper, dans un même texte législatif, la législation telle qu’elle existe actuellement en matière de contrat d’assurance, d’intermédiation et de contrôle.
La loi comporte cependant également certaines nouveautés visant surtout à accroître la protection du preneur d’assurance. En cela elle vise à transposer partiellement la directive Solvency II.
La loi entrera en vigueur le 1er novembre 2014. Des régimes transitoires pour certaines règles sont cependant prévus. Les nouvelles dispositions qui concernent les contrats d’assurance sont applicables à partir de l’entrée en vigueur de la loi à tous les contrats en cours à ce moment-là. Les assureurs doivent procéder à l'adaptation des contrats et autres documents pour au plus tard le premier jour du 13e mois suivant celui de la publication de la loi, soit le 1er juin 2015 (article 311).
Codification de la législation existante
Dans le but de clarifier et de faciliter la prise de connaissance par le grand public de la législation qui touche à la relation entre l’assureur et le « consommateur d’assurances », la nouvelle loi procède à une codification – la plupart du temps sans modification du contenu – des législations actuelles suivantes (qui sont abrogées) :
les parties de la loi de contrôle du 9 juillet 1975 qui ont trait à cette relation assureur-preneur (essentiellement ce qui relève, dans le modèle Twin Peaks, de la supervision de la FSMA, par opposition à ce qui est de la compétence de la BNB) ; la plupart des dispositions de la loi du 25 juin 1992 sur le contrat d’assurance terrestre ; la loi du 11 juin 1874 ; la loi du 27 mars 1995 relative à l’intermédiation en assurances.
L’ensemble des arrêtés-royaux ou autres mesures d’exécution de ces lois qui sont actuellement en vigueur vont rester en vigueur et continueront à s’appliquer sous la nouvelle loi. En cas de contradictions, ce sera la nouvelle loi qui primera.
Cette codification n’implique cependant pas que les lois qui ne sont pas intégrées (telles que notamment la loi du 6 avril 2010 sur les pratiques de marché ou la loi du 10 mai 2007 relative à la lutte contre les discriminations) ne seraient désormais plus applicables au secteur des assurances.
Protection renforcée des consommateurs et transposition (partielle) de Solvency II
Au-delà de la codification de la législation existante, la loi vise à renforcer la protection du consommateur et affiche à cet égard la volonté de transposer la plupart des dispositions de la directive Solvency II qui ont trait à la protection du consommateur, avec cependant également des nouveautés qui ne sont pas prévues par la directive européenne.
Les nouvelles règles concernent essentiellement :
assurances vie liées à des fonds d’investissement ; la rédaction des documents contractuels et de communication, ainsi que les publicités ; la limitation des possibilités de segmentation ; l’accroissement de la transparence en matière de participations aux bénéfices.
Champ d’application
Les dispositions de la nouvelle loi s’appliquent, sauf exceptions spécifiquement prévues, chaque fois qu’un client belge est visé ou que le droit belge est applicable, que les assureurs ou intermédiaires soient établis en Belgique, qu’ils opèrent sur le territoire belge en étant établis dans un État membre de l’EEE ou qu’ils soient établis en-dehors de l’EEE. (Article 4)
La notion d’assureur est prise dans un sens large, c’est-à-dire la loi s’appliquera chaque fois que l’activité exercée relève de l’assurance, peu importe que la personne exerçant cette activité dispose ou non d’un agrément (nouvelle notion d’« assureur » par opposition à « entreprise d’assurance »).
La loi opère une summa divisio entre les assurances des groupes d’activités « non-vie » et « vie ».
Il est précisé également que les contrats de capitalisation sont à considérer comme des contrats d’assurance (de personnes).
Pour tenir compte notamment de cette intégration des opérations de capitalisation, la loi utilise désormais le terme de lieu de l’« engagement » (plutôt que lieu du « risque ») dans les assurances relevant du groupe « vie » pour déterminer l’application des règles belges.
Assurances vie liées à des fonds d’investissement (Partie 2 – Titre III)
L’objectif du législateur est de créer un « level playing field » en assurant que, sous l’angle de la protection du consommateur, les mêmes règles s’appliquent que le client investisse dans des OPCVM ou alors dans des assurances vie liées à des fonds d’investissement.
Mesure transitoire (article 311) : Ces nouvelles règles ne s’appliqueront qu’aux contrats souscrits après l’entrée en vigueur de la loi, mais pour les contrats existants, elles devront également être respectées à partir du moment où :
il y a changement de fonds ou si le règlement de gestion du fonds est modifié ; les conditions relatives au rendement (minimum) sont modifiées.
Connaissance des produits et information du client (article 19)
Pour les assurances vie dont le risque d’investissement est supporté par le preneur d’assurance, les prestations d’assurance ne peuvent être liées, directement ou indirectement, qu’à des actifs et instruments dont l’assureur est en mesure de bien évaluer les risques.
L’assureur doit informer le preneur, avant la conclusion du contrat en termes clairs sur le risque que celui-ci supporte. Ceci est particulièrement important en cas de produits complexes et structurés.
Limitation des actifs éligibles (article 20)
Le Gouvernement a fait le choix (suivi en cela par le Parlement), et contrairement à l’avis du Conseil d’État, d’appliquer les règles en cette matière dès que le lieu de l’engagement est la Belgique, que l’assureur soit établi en Belgique ou non. Le Conseil d’État avait souligné que les règles en matière de restrictions à la politique d’investissement relèvent du contrôle prudentiel et donc du « home country control » : par conséquent, la Belgique n’est pas compétente pour édicter des règles à appliquer par des assureurs qui sont établis dans autre État membre de l’EEE et opérant en Belgique en LPS. Le Gouvernement justifie sa position par le fait que l’entrée en vigueur des règles européennes en matière de protection du consommateur (Solvency II, PRIPS) serait sans cesse repoussée et que la Belgique pourrait dès à présent souhaiter imposer des règles en la matière. Cette justification nous paraît tout à fait contestable, dans la mesure où, au regard du droit européen actuellement en vigueur, le choix des actifs éligibles relève du home country et que ce principe est maintenu par Solvency II en ce qui concerne d’éventuelles restrictions qui peuvent être appliquées si la prestation du contrat est liée à certains actifs et que le preneur d’assurance est une personne physique (article 133.3. de la directive 2009/138/CE).
La règle prévue par la nouvelle loi est dès lors que si le preneur est un « client de détail » et que le lieu de l’engagement est la Belgique, les prestations d’assurance ne peuvent être liées, directement ou indirectement, qu’à certains types d’actifs limitativement prévus :
des parts d’OPCVM belges ou étrangers inscrits en Belgique auprès de la FSMA sur les listes prévues à cet effet par les articles 33 et 149 de la loi du 3 août 2012 (transposant la directive OPCVM 2009/65/CE) et de manière générale des parts dans des OPCVM belges ou EEE régis par la directive 2009/65/CE mais également (directement) les actifs : relevant des catégories de placements ouvertes aux OPCVM de droit belge, pour autant que les règles prévues par la directive 2009/65/CE en matière de politique de placement (chapitre VII) et d’obligations générales (chapitre X) soient respectées ; relevant des catégories de placements ouvertes aux organismes de placement collectif publics de droit belge, pour autant que les règles régissant la politique de placement du fonds ne s’écartent pas de celles qui s’appliquent aux organismes de droit belge ; c’est-à-dire, dans les grandes lignes : que des valeurs mobilières et actifs financiers qui soient liquides de type : admis ou négociés sur un marché réglementé ou un marché secondaire de l’EEE (et sous certaines conditions des marchés d’un État non-membre de l’EEE) ; parts d’autres OPCVM réglementés par la directive 2009/65/CE avec un maximum de 10% (et sous certaines conditions des OPCVM ne répondant pas aux conditions de la directive) ; instruments financiers dérivés (sous certaines conditions).
(Voir à cet égard la loi du 3 août 2012 ainsi que son arrêté royal d’exécution du 12 novembre 2012.)
Par dérogation, la limite de 20% de placement auprès d’un même émetteur prévue par la réglementation OPCVM n’est pas applicable pour (i) des dépôts auprès d’un même établissement de crédit (agréé au sein l’EEE) ou (ii) pour des investissements dans des obligations ou autres titres à revenu fixe émis par un même établissement de crédit (agréé au sein de l’EEE), ni pour (iii) des placements dans des instruments financiers émis ou garantis par un État de l’EEE, pour autant que les documents de commercialisation fassent clairement mention du risque de crédit y associé et ne fassent pas mention d’une garantie de capital (sauf si une telle garantie existe effectivement). Les durée des instruments financiers visés au (ii) doit, dans pareil cas, coïncider avec la durée du contrat d’assurance.
Les règles relatives aux commissions et frais qui sont directement ou indirectement à charge des preneurs doivent être claires et précises.
C’est au commissaire de l’assureur qu’il appartiendra de certifier chaque année que les règles d’investissement sont respectées, que la structure d’organisation du fonds ne nuit pas aux intérêts des preneurs et n’engendre pas une augmentation des frais courants (au sens de la législation OPCVM).
Rédaction des documents contractuels et des publicités – Conservation des documents
Documents contractuels
Tous les documents doivent être rédigés en termes clairs et précis et interdiction de toute clause qui porte atteinte à l’équivalence entre les engagements de l’assureur d’une part et ceux du preneur d’autre part. (Article 23)
En cas de doute sur l’interprétation, c’est l’interprétation la plus favorable au preneur qui prévaut (règle nouvelle dans la législation sur les assurances, mais actuellement déjà prévue par la loi de 2010 sur les pratiques de marché). (Article 23)
Si des documents contractuels sont contraires aux parties 2 et 3 de la loi, ils faut les lire comme si les clauses contraires étaient, dès la conclusion du contrat, remplacées par des règles conformes à la loi. (Article 22)
Habilitation est donnée au Roi pour fixer des règles qui devront être respectées dans la rédaction des documents relatifs à la conclusion et à l’exécution des contrats d’assurance. (Article 21)
Publicités (Article 28)
Tous les documents de commercialisation portés à la connaissance du public en Belgique doivent au moins remplir les conditions suivantes :
ne pas être trompeurs ou inexacts ; être compatibles avec les informations dont la loi prévoit la communication obligatoire ; s’il s’agit de publicités : être clairement reconnaissables comme telles.
Habilitation est également donnée ici au Roi pour fixer les règles concernant le contenu et la présentation de ces documents.
Conservation des documents (Articles 14 et 28§5)
Pour les assureurs belges ou étrangers (hors EEE), la loi introduit une obligation de conservation de tous les documents relatifs aux contrats souscrits. Cette obligation ne comporte aucune limite dans le temps.
Par ailleurs, la loi précise que toutes les copies physiques ou électroniques sont présumées, sauf preuve contraire, être la reproduction fidèle des originaux lorsqu’ils ont été établis par ou sous le contrôle d’un assureur belge ou étranger hors EEE.
Il faut déduire de la formulation de l’article 14 que ces obligations ne s’imposent donc pas aux assureurs établis dans l’EEE et opérant sur le marché belge. De la même manière, la présomption concernant les copies ne leur est pas applicable.
Pour les documents de commercialisation, l’article 28§5 prévoit une règle de conservation particulière : Les assureurs (donc les assureurs belges, mais également les assureurs relevant de l’EEE ou hors EEE) ont l’obligation de conserver une copie de tous les documents de commercialisation jusqu’à l’expiration de celui des délais qui est le plus long :
délai de prescription pour des actions y relatives ; 2 ans après la fin du dernier contrat auquel se rapportent ces documents.
Restructuration des règles en matière d’Information précontractuelle et en cours de contrat
La loi prévoit un certain nombre d’informations qui doivent être fournies avant la conclusion du contrat et en cours de contrat, en distinguant selon qu’il s’agit d’assurances relevant du groupe « non-vie » (articles 32 à 34) ou du groupe « vie » (articles 35 à 36)
Ces informations doivent être formulées de manière claire et précise, par écrit et dans une des langues officielles de la Belgique (article 37).
Habilitation est donnée au Roi pour déterminer des mentions obligatoires dans les documents destinés au preneur, à l’assuré, au bénéficiaire ou aux tiers (Article 30), ou encore pour préciser ou étendre les informations à communiquer (article 38).
Segmentation (Articles 42 et s.)
La segmentation est reconnue comme un élément essentiel dans la technique de l’assurance, mais le législateur entend protéger les preneurs contre une différenciation qui serait arbitraire et généraliser les règles anti-discrimination.
Ces règles sont considérées comme relevant de l’intérêt général et donc également applicables aux assureurs étrangers.
Pour certains types d’assurance (assurance RC auto, assurance incendie des habitations présentant un risque simple, RC vie privée, protection juridique, assurance individuelle sur la vie et assurance maladie) et sous la condition que le preneur soit un consommateur, la nouvelle loi impose des obligations particulières de transparence et de motivation au sujet de la segmentation opérée : toute forme de différenciation (sur la base de n’importe quel critère) en matière d’acceptation, de tarification ou de garanties, doit être objectivement justifiée par un objectif légitime et les moyens mis en œuvre doivent être appropriés et nécessaires.
L’assureur doit publier les critères de segmentation et les explications qui s’y rapportent sur son site Internet. Au moment de l’offre d’un contrat ou de la modification d’un contrat existant, l’assureur devra motiver en outre, de manière claire et compréhensible par le preneur d’assurance, les critères retenus dans ce cas individuel.
Le Roi pourra imposer ou, au contraire, interdire certains critères.
Sauf dans certains cas limitativement énumérés pas la loi, l’assureur devra aussi motiver les raisons qui le conduisent à refuser une couverture d’assurance à une personne.
Ces nouvelles dispositions s'appliquent immédiatement aux contrats offerts et/ou conclus après la date d'entrée en vigueur de la loi (1er novembre 2014). Pour les contrats d'assurance qui ont été souscrits avant la date d'entrée en vigueur, ces dispositions s'appliqueront dès la modification et/ou la reconduction de ces contrats et au plus tard le premier jour du 13e mois suivant la date d'entrée en vigueur de la présente loi, soit au plus tard le 1er décembre 2015 (article 311).
Participation aux bénéfices (articles 47 et s.)
Les règles en cette matière s’appliquent à tous les contrats dont le risque ou l’engagement sont situés en Belgique.
Il ne pourra être fait référence à l’existence d’une PB que s’il existe une obligation légale ou conventionnelle d’accorder celle-ci (à partir du moment où certaines conditions – qui doivent être connues du preneur – sont remplies).
Si la PB dépend d’une décision discrétionnaire de l’assureur, il ne pourra, dans aucune communication publicitaire, être fait référence aux performances passées ou à des prévisions pour le futur.
Les assureurs doivent établir un plan de participation aux bénéfices qui doit être mis à la disposition des candidats preneurs avant la conclusion du contrat et doit contenir au moins les éléments suivants :
le mode de calcul du bénéfice distribuable total et la manière de déterminer si et à concurrence de quel montant ce bénéfice distribuable sera attribué au titre de PB aux preneurs ; les critères et conditions selon lesquels la participation aux bénéfices sera répartie entre les différents contrats.
Habilitation est donnée au Roi pour établir un système obligatoire de participation aux bénéfices.
Sanctions civiles : nullité et dommages et intérêts (Article 8)
La loi opère une fusion entre les différents régimes de nullités prévus par la loi de contrôle et introduit récemment par la réglementation Twin Peaks II, pour désormais prévoir, pour tous les contrats d’assurance :
la nullité des contrats conclus par un assureur non autorisé à exercer ses activités en Belgique ; l’obligation pour l’assureur, d’exécuter ses obligations, malgré la nullité, si le preneur a souscrit de bonne foi ; obligation pour l’assureur d’indemniser le dommage causé par la nullité ; présomption irréfragable de causalité entre le dommage et la conclusion irrégulière du contrat.
Dans la foulée, l’article 86ter §1er -5° qui venait d’être introduit dans la loi du 2 août 2002 par la réglementation Twin Peaks II est à nouveau abrogé.
Cette reformulation du régime de nullité pourtant encore tout neuf qui avait été introduit par Twin Peaks II soulève cependant des questions :
Le nouvel article 8 de la loi sur les assurances ne précise pas si la nullité est absolue ou relative, alors que l’on pouvait raisonnablement déduire de la formulation de l’article 86ter qu’il s’agissait d’une nullité absolue. La précision prévue à l’article 86ter §3 selon laquelle le fait, pour un assureur relevant de l’EEE, de ne pas avoir accompli les formalités prévues en matière de libre prestation des services ou liberté d’établissement, n’était pas à considérer comme une absence d’agrément entraînant la nullité des contrats (pour autant que l’assureur dispose d’un agrément dans son État d’établissement) n’est plus reprise. Faut-il dès lors considérer qu’un assureur qui n’aurait pas accompli ces formalités ne serait pas autorisé à exercer ses activités en Belgique avec pour conséquence une nullité des contrats par application du nouvel article 8 ?
Divers
Mentionnons encore que la loi apporte certaines modifications aux règles existantes notamment dans les domaines suivants :
Assurances obligatoires (articles 25 à 27) Droit de rétractation (article 57) Information médicale (article 61) Prestations versées à des mineurs ou autres incapables (articles 68 et 246) Mise en demeure avant suspension ou résiliation du contrat (article 70) Défaut de paiement de la prime (article 71) Stipulation pour autrui : habilitation au Roi pour déterminer les conditions auxquelles doit satisfaire une stipulation pour autrui (article 77) Résiliation après sinistre (article 86) Prescription à l’égard des mineurs et autres incapables (articles 89 et 256) Intégration de la loi interprétative du 19 juillet 2013 concernant l’article 97 de la loi du 25 juin 1992 dans le texte même de la nouvelle loi (article 160) Effets du divorce (article 191 et s.)