I. Cass., 28 juin 2021 : Devoir d’information accru à charge de l’entreprise qui contracte avec un consommateur lorsque le contrat projeté comporte des clauses exorbitantes
Dans son récent arrêt du 28 juin 2021, la Cour de cassation valide le raisonnement tenu par la Cour d’appel d’Anvers qui revient à créer un devoir d’information accru à charge de l’entreprise qui contracte avec un consommateur, lorsque le contrat comporte une clause contractuelle extraordinaire (inhabituelle ou excessive) à charge de ce dernier. Dans ces circonstances, un simple renvoi sur le recto d’un document contractuel aux conditions générales figurant sur le verso de ce même document n’est pas suffisant.
L’article VI.2 du Code de droit économique oblige l’entreprise à fournir au consommateur (avant que celui-ci ne soit lié par un contrat autre qu’un contrat à distance ou un contrat hors établissement, ou par un contrat visé à l’article VI.66) certaines informations de manière claire et compréhensible, dont « (…) 7° le cas échéant, les conditions de vente, compte tenu du besoin d’information exprimé par le consommateur et compte tenu de l’usage déclaré par le consommateur ou raisonnablement prévisible ».
Cela signifie que le consommateur doit effectivement avoir pris connaissance des conditions générales du contrat avant sa conclusion, ou au moins, avoir eu la possibilité raisonnable d’en prendre connaissance.
La possibilité pour le consommateur d’avoir pu prendre connaissance des conditions générales est présumée lorsque celles-ci figurent au verso d’un document contractuel et lorsque le recto y renvoie.
Dans son arrêt du 28 juin 2021, la Cour de cassation décide qu’une telle présomption ne peut néanmoins pas s’appliquer lorsque les conditions contractuelles sont inhabituelles ou excessives.
Le cas d’espèce concernait une clause de résiliation pour l’achat d’une cuisine, qui obligeait le consommateur à payer une indemnité de 30 % du prix total convenu pour se départir du contrat.
La Cour de cassation valide le raisonnement de la cour d’appel, qui considère que :
II. Cass., 16 août 2021 : Dommages et intérêts pour trouble de jouissance consécutif à l’inexécution d’une obligation contractuelle
Lorsqu’un débiteur porte atteinte, par l’inexécution fautive d’une obligation contractuelle, à la jouissance d’un bien dont le créancier est propriétaire, le créancier justifie de l’existence d’un dommage dont le débiteur doit réparation, sans être tenu d’établir que cette atteinte lui cause un préjudice autre que cette atteinte.
Le litige qui a donné lieu à cet arrêt porte sur la construction de bâtiments scolaires confiée par une ASBL à un entrepreneur. Des matériaux de remblais avaient, en l’espèce, gonflé sous l’effet de l’humidité, rendant instables les fondations et affectant la stabilité des constructions.
La cour d’appel considère que la gravité des désordres justifie la démolition des immeubles construits.
En revanche, s’agissant du trouble de jouissance réclamé par l’ASBL, la cour d’appel considère que, « lorsqu’une chose est endommagée et que les dégâts entraînent son immobilisation ou son indisponibilité, […] encore faut-il […] que la victime rapporte la preuve que l’indisponibilité du bien lui a concrètement fait subir un dommage, cette indisponibilité ne constituant pas en soi un préjudice » et que la demanderesse « n’apporte aucune preuve […] quant à un trouble de jouissance » dès lors que, d’une part, elle « soutient elle-même que les élèves ont émigré dans l’ancien bâtiment et aucune preuve n’est déposée démontrant, le cas échéant, une diminution de la population scolaire », d’autre part, elle est « une association sans but lucratif qui a mis en place un établissement scolaire non destiné à une activité lucrative et dont les troubles éventuels n’ont pu être subis que par les élèves eux-mêmes ».
Par arrêt du 16 août 2021, la Cour de cassation casse l’arrêt rendu par la cour d’appel.
Selon la Haute juridiction, « En excluant l’existence d’un dommage pour trouble de jouissance au motif que les troubles invoqués n’ont eu aucune autre conséquence pour la demanderesse que cette atteinte à la jouissance des biens, l’arrêt attaqué viole » les articles 1149 et 544 de l’ancien Code civil.
L’article 1149 de l’ancien Code civil dispose qu’en cas d’inexécution fautive d’une obligation contractuelle, les dommages et intérêts dus par le débiteur de cette obligation au créancier sont, sous réserve de l’application des articles 1150 et 1151, de la perte qu’il a faite et du gain dont il a été privé.
L’article 544 de ce même Code définit le droit de propriété comme étant le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu’on n’en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements.