Par son arrêt du 2 février 2023 (affaire C-208/21), la CJUE rappelle et affine les principes qui se dégageaient de l’arrêt du 24 février 2022 (affaires C-143/20 et C-213/20 jointes)1 en matière d’assurances collectives (souscrites par un preneur d’assurance [la plupart dans le cadre de son activité professionnelle] auprès d’un assureur, dans le but d’ensuite proposer à ses propres clients d’adhérer à ce contrat collectif en qualité d’assurés-bénéficiaires).
Epinglons notamment :
– L’adhésion à un contrat collectif doit être considéré comme donnant naissance à un contrat d’assurance individuel -> par conséquent toutes les obligations prévues par le droit européen en rapport avec la conclusion d’un tel contrat (information précontractuelle, règles de distribution, analyse des exigences et besoins, etc.) doivent aussi être respectées pour l’adhésion à un contrat collectif.
Si cette assimilation vaut pour l’application des règles communautaires, nous ne pensons pas cependant que l’on puisse d’office considérer qu’en droit national – régissant le contrat d’assurance – une telle relation d’adhésion à un contrat collectif, doive forcément être considérée comme un contrat d’assurance plein et entier, l’appréciation de la CJUE se limitant à l’échelon européen. Il appartiendra aux tribunaux des Etats-membres de juger si et dans quelle mesure les lois sur le contrat d’assurance s’appliquent.
– L’adhérent doit être considéré comme preneur d’assurance dans cette relation -> par conséquent c’est à l’égard de l’adhérent que les diverses obligations doivent être respectées et pas (seulement) à l’égard du preneur du contrat collectif.
Si l’enseignement de la CJUE se limite, à ce stade, aux obligations d’information qui doivent être respectées à l’égard de ce « preneur », l’on peut légitimement se demander si par extension, l’on ne devrait alors pas aussi considérer que l’adhérent est à considérer comme preneur d’assurance p.ex. pour la détermination de la loi applicable au contrat (au sens du Règlement Rome I) ou encore des juridictions compétentes (au sens du Règlement Bruxelles Ibis).
– Fidèlement à la logique qui découle aujourd’hui aussi d’IDD, la responsabilité pour l’établissement d’une documentation claire, précise et compréhensible repose sur l’assureur, qui communique celle-ci au preneur du contrat collectif.
La CJUE précise que cette information élaborée par l’assureur peut prendre la forme de documents-type. L’on peut donc conclure que l’adhérent devra à tout le moins recevoir l’IPID ou le KID, de même qu’un document reprenant les conditions générales de l’assurance collective.
C’est ensuite au preneur d’assurance, en sa qualité d’intermédiaire, de veiller à ce que l’information soit communiquée en temps utile avant la conclusion du contrat à l’adhérent. Cette transmission doit être assortie de toute autre précision qui s’avérerait nécessaire compte tenu des exigences et des besoins de ce consommateur.
– A noter encore que la CJUE considère, dans les deux arrêts, le preneur d’assurance collectif comme un intermédiaire d’assurance. Nous ignorons si, dans les cas d’espèce, les preneurs étaient effectivement des intermédiaires inscrits, mais en tout état de cause, la CJUE a eu l’occasion de préciser dans son arrêt du 29 septembre 2022 (affaire C-633/20) que doit être considéré comme un intermédiaire, avec toutes les obligations qui s’y attachent, « une personne morale dont l’activité consiste à proposer à ses clients d’adhérer sur une base volontaire, en contrepartie d’une rémunération qu’elle perçoit de ceux-ci, à une assurance de groupe qu’elle a préalablement souscrite auprès d’une compagnie d’assurances ».
La boucle est bouclée : la « distribution » d’adhésions à un contrat d’assurance collectif doit donc être considérée comme une distribution de contrats d’assurance et toutes les exigences découlant du droit européen en la matière s’appliquent dès lors.